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The Experiment

Date de sortie : 15 juillet 2010

Réalisateur : Paul Scheuring (réalisateur de Prison Break)

Casting : Adrien Brody, Forester Whitaker, Clifton Collins Jr, Cam Giganget

Genre : Thriller, Drame

Pour plus d'informations sur l'étude, clique ici ! 

Inspiré du roman Black Box de Mario Giordano

Si vous avez d’autres idées d’analyses ou des critiques, n’hésitez pas à les partager !

Peut-être aurez-vous entendu parler de l’expérience de Philip Zimbardo datant de 1971 ? Si ce n’est pas le cas, sachez  qu’en ayant vu « The Experiment » vous venez d’apprendre le gros de l’histoire.

 

Zimbardo est un chercheur américain qui désire étudier expérimentalement les comportements en milieu carcéral. Le but était de récréer de la façon la plus réaliste possible une prison dans les sous-sols de l’université de Stanford. Le film de Scheuring raconte plus ou moins fidèlement la fatalité de cette expérience, à quelques détails près rajoutés pour le côté cinématographique. Je vais m’atteler à vous expliquer les différences et similitudes entre réalité et fiction, tout en m’efforçant de vous éclaircir sur les phénomènes de psychologie sociale sous-jacents.

 

Dans le cadre de son étude, Zimbardo avait recruté 24 étudiants sur le campus de Stanford en passant par une petite annonce dans le journal. Le but étant ensuite de les répartir en 2 groupes : 12 gardiens et 12 prisonniers. 15$ par jour était promis aux participants dans le cas où ils iraient au bout de l’expérience (l’étude devait durer 14 jours). Dans le film, Scheuring décide d’exagérer la récompense en annonçant 1000$/jour de prime. Je pense qu’il a fait le choix d’augmenter autant le gain des participants, afin d’amplifier l’idée que les sujets  avaient réellement une excuse de terminer l’expérience, en s’y prêtant au jeu.

 

En effet, dans le film, le personnage de Zimbardo pose un ultimatum aux « gardiens ». Ils ont 30 minutes pour décider d’une sanction adéquat pour les prisonniers en cas de problème, sinon quoi, l’étude prendra fin et ils ne seront pas payés et ils devront donc dire adieux aux 14 000$. Quoi de plus motivant pour respecter les règles, en faisant régner l’ordre, lorsque l’on a besoin d’argent ? Je pense qu’il est important de préciser que dans la vraie étude, cette pratique n’a pas eu lieu, tout du moins, je ne l’ai jamais su.

Au moment du lancement de l’expérience, Phillip Zimbardo aurait évidemment précisé que les rôles avaient été attribué de façon aléatoire et sans prédisposition aucune. Au contraire, toutes personnes ayant des antécédents judiciaires n’étaient pas autorisées à participer à l’étude.

 

Dans la réalité, le premier jour de l’expérience commença lorsque des policiers se rendaient au domicile des participants pour une fausse arrestation des 12 prisonniers, devant leur entourage. On leur a lu leur droit, on a procédé à l’ouverture d’un casier judiciaire, prise d’empreintes etc. Fait ayant été retiré du film. L’idée était d’instaurer au préalable une différence entre prisonniers et gardiens, cherchant à les humilier en public afin de les mettre dans l’état d’esprit de la recherche. A la suite de quoi, que ce soit dans le film ou dans la véritable expérience, les sujets jouant le rôle des prisonniers furent soumis au même protocole à la suite d’une vraie admission en prison.

 

Premier jour plutôt calme, du moins à Stanford. Rappelons cependant les 5 règles que doivent faire respecter les gardiens :

  1. Les prisonniers doivent prendre trois repas dans la journée et tout doit être entièrement consommé.

  2. Il sera autorisé 30 minutes de détente quotidienne.

  3. Les prisonniers sont autorisés à se trouver dans les quartiers uniquement qui leurs sont destinés.

  4. Les prisonniers ne peuvent parler que si l’on leur adresse la parole.

  5. Les prisonniers n’ont pas le droit de toucher un gardien et ce, quel que soit le prétexte.

En effet, dans le métrage de Scheuring, dès le premier jour commence une légère altercation gardiens/prisonniers. L’un des prisonniers envoie accidentellement un ballon dans le visage de Bosch (David Banner), ce qui lui vaut un nez ensanglanté. A première vue il ne voulait pas riposter, cependant ses « collègues » lui rappelle que trop bien la règle n°5. Lors de cette scène, j’aimerai souligner le merveilleux jeu d’acteur de Forester Whitaker (alias Barris), qui commence déjà montré des signes de changements de comportement. On sent dans son attitude une grandeur, la fierté d’avoir du pouvoir. Bosch, seul face à ses compères, se conforme à l’opinion général et laisse le gardien Chase (Cam Giganget), sanctionner le prisonnier en lui imposant de faire dix pompes.

 

Le comportement de Bosch dans cette situation est dû au phénomène d’influence sociale. Ici on parle plus précisément d’influence de la majorité. Il se retrouve dans une situation ambiguë. S’il s’est conformé à la décision de la majorité c’est parce qu’il lui semblait plus prudent de s’y conformer, n’étant pas persuadé que sa réponse soit la plus adaptée à la situation (ne pas riposter malgré la règle n°5, et ainsi prendre le risque de perdre les 14000§).

 

Puis viens le second jour, et c’est ainsi que tout commença. Cette journée est assez bien représentée dans le film selon moi, mais certains éléments de la véritable histoire ont été retirés du film. En effet, pendant le deuxième jour un prisonnier du quitter les lieux de l’expérience car commençait à avoir des réactions « inquiétantes ». Le premier acte de rébellion des prisonniers n’est d’ailleurs pas tout à fait le même dans les deux versions. Dans le film, le prisonnier matricule 77, interprété par Adrien Brody, refuse de respecter la règle n°1 et de finir son plateau repas. Une émeute commença à éclater dans la cantine, laissant le personnage de Helweg (Travis Fimmel) démuni face aux prisonniers. En réalité, l’émeute des prisonniers commença de tel sorte que ces derniers avaient pris l’initiative de bloquer les portes de leur cellules avec leurs couchettes en refusant d’obéir aux ordres leurs étant donnés. Ne pouvant laisser passer cette infraction à la première règle,  les gardiens se réunissent afin de trouver un plan de riposte.  

 

Cette scène du film me semble être l’une des plus capitales. On y voit Barris (Forester Whitaker) regarder dans ce qui s’avèrera être « le trou » dans lequel ils jetteront le prisonnier 77 par la suite. Il semble évident dans cette scène que Barris commence déjà à basculer très rapidement dans l’abus de pouvoir en s’alimentant d’idées sombres. C’est d’ailleurs lui qui propose d’asperger les prisonniers avec des extincteurs. Cette pratique s’avère avoir vraiment eu lieu. La scène qui suit le débordement des gardiens nous montre Barris se regardant dans le miroir des sanitaires, encore sous le coup de l’adrénaline, se délectant du plaisir d’avoir autant de pouvoir sur de ces petits prisonniers (vous noterez qu’il est tellement exciter par la situation qu’il en a une érection).  Il me semble nécessaire de rappeler qu’au début du film, lorsqu’on découvre Barris dans son intimité, il semble être un homme sage mais qui se laisse marcher dessus, vivant encore avec sa mère à plus de 40 ans, n’arrivant pas à se défaire de l’emprise de cette dernière. On peut donc en conclure qu’il est soumis à sa mère et ne semble pas être le genre d’homme à écraser les autres. Mais ça, c’était avant l’expérience.

 

Nous revoilà avec le numéro 77, notre cher Adrien Brody se raccrochant au peu d’humanité qu’il lui reste dans une situation aussi humiliante, pensant à sa bien-aimée qui l’attend dehors.

 

Vous vous rappelez qu’un peu plus haut je parlais d’un prisonnier qui avait dû quitter l’expérience pour réactions inquiétantes ? Il semble que son personnage ait été adapté au travers de Benjy (Ethan Cohn), le  « Flying Man » diabétique en manque d’insuline. Personne ne semble lui prêter grand intérêt malgré l’aspect évident de son manque de sucre. Sauf Travis (n°77). 

 

Lors du troisième jour, Barris semble très facilement s’intégrer dans son nouveau rôle de « chef des gardiens » qui s’est rapidement et simplement instauré. Il continue à jouir de la force que cette domination lui donne. En parallèle avec ce qu’il s’est réellement passé, l’un des gardiens était particulièrement cruel et s’était fait rebaptisé « John Wayne » par les prisonniers. JE pense que l’on peut aisément associer Barris à ce John. Souvenez-vous, lorsqu’il constate l’absence de Benjy lors du comptage, malgré l’apparent problème de santé de ce dernier, il ne manque pas de le faire se lever et rejoindre les autres dans les rangs. Une fois de plus, seul Travis vient à son secours en prenant sa défense, ce qui évidemment offensera les gardiens. Autant dans les faits réelles que dans le film, c’est ainsi que commencera les humiliations les plus cruelles. Après s’être fait rasé la tête et uriner dessus, Barris doit retourner souiller dans sa cellule. J’ignore si cette agression en particulier a réellement eu lieu, mais je ne sous-estime pas la cruauté des personnes ayant joué les gardiens.

« A aucun moment n'appairait chez un gardien le moindre recul autocritique à l’égard de ses actes »

A la suite de ça, commence le quatrième jour. Les agressions sexuelles d’un gardien envers un prisonnier commencent. Il semble incroyable que le manque de sexe du gardien puisse être autant prédominant au bout de quatre jours d’abstinence et pourtant, il s’agit de faits réels sur ce point. Barris et ses collègues continuent de s’en prendre personnellement au numéro 77, le fauteur de trouble, qui tentait encore désespérément de sauver la vie de son nouvel ami qui dont la santé le mettait en danger. Par ailleurs, vous noterez la rébellion du gardien Bosch (David Banner) qui a tenté de venir en aide à Benjy, en vain. En psychologie, on parle de comportement déviant, il s’agit du fait de s’éloigner de la norme, ici celle des gardiens, de par la violation des règles. En cet instant, outre le changement comportemental de Barris ce dernier change même physiquement. L’humiliation de Travis se poursuivit dans les toilettes. On lui plongea la tête dans la cuvette des toilettes, l’empêchant de se défendre. Une fois de plus, j’ignore si cet acte à vraiment eu lieu, mais je sais que les prisonniers avaient un accès réglementer aux toilettes et que le nettoyage des toilettes à main nue étaient demandé, alors qui nous dit que leur supplice n’a pas été plus loin ?

 

Vous vous demandez surement, mais pourquoi Phillip Zimbardo à ce stade de l’étude ne fait toujours rien ? C’est en effet la question que beaucoup de personnes se sont posées dans les années 70. C’est assez simple en fait, même Zimbardo était immergé à 200% dans son expérience, ne voulant pas ouvrir les yeux sur la cruauté évidente qu’il avait engendré. Du moins, pas avant qu’on le lui signale extérieurement.

 

La déviance d’un individu implique des ajustements psychosociaux, alors Bosch se vit infliger le même sort que les prisonniers. Barris et les autres prirent délibérément la décision d’attribuer le rôle de prisonniers à Bosch, afin de lui rappeler qui commande. Le réel gardien surnommé « John Wayne » se montra aussi cruel envers les prisonniers, que sévère avec les autres gardiens lorsqu’il ne lui obéissait pas. Un trait de caractère que Barris n’a pas manqué d’avoir.

 

Le jour numéro 5 commença par une grande émeute. Travis prit de fureur s’adressa directement à la caméra située dans l’enceinte du lieu, invoquant aux expérimentateurs de cesser leur expérience. Benjy se prit un coup à la tête qui s’avéra mortel. Je tiens à préciser que dans la véritable expérience, personne n’est mort. Il s’agit là d’un rajout uniquement par la production américaine. En revanche, vous vous souvenez de la scène où Barris trouve ce qui sera « le trou » ? Eh bien nous y voilà. Travis s’y verra expédié en cette cinquième journée pour avoir causé ce débordement. Aucun gardien ne prête attention à Benjy étendu par terre, d’ailleurs, les prisonniers non plus. Une certaine individualisation s’est instauré parmi eux dû fait de la peur qui les dominent à présent totalement. Je vous passe les détails sur la révolte finale jusqu’au retentissement de l’alarme rouge qui stop enfin l’étude. Le film se conclu ainsi, chacun rentre chez lui, avec un mal être évident dû à tout ce qui vient de se produire, et laissant le téléspectateur seul avec ses pensées sur ce qu’il vient de voir.

 

Les gardiens avaient conféré une grande légitimité à l’autorité (l’expérimentateur), ainsi, puisque ce dernier n’arrêtait pas l’expérience, c’est qu’ils faisaient correctement ce qui était attendu d’eux. Ainsi, ils ne ressentaient pas la responsabilité de leurs actes, puisqu’ils ne faisaient qu’obéir aux ordres. On parle en psycho d’état agentique (être l’agent exécutif des ordres, sans se poser de question).

Le phénomène qui ressort majoritairement à la fois de la véritable expérience et du long métrage The Experiment  est la désindividualisation, soit le fait de n’être plus soi-même mais d’être le rôle qui nous est attribué. Les participants de l’étude finissent par ne plus agir en tant qu’individu mais en tant que participant actif du jeu social.  On peut aussi parler ici de déshumanisation puisque les prisonniers sont appelés par des numéros, privés de leurs droits civiques. 

 

Le personnage de Barris m’a longtemps fasciné. J’ai senti à travers l’interprétation de Forester Whitaler tout ce qu’a voulu démontrer Phillip Zimbardo par son expérience.

 

Connaissez-vous l’Effet Lucifer ? Il s’agit du fait que n’importe quel individu peut adopter des comportements agressifs voir inhumains dans certaines situations. Zimbardo a mis en lumière ce phénomène au travers de son ouvrage The Lucifer effect : Understanding how good people turn evil.

Seulement cinq petits jours pour que tout dégénère. Seulement 2 avant que les comportements des 24 hommes commencent doucement à se modifier. On constate de part cette expérience que la frontière entre réalité et le rôle assigné est très mince. Les gardiens se trouvent dans un contexte où il n’y a pas de norme préétablies. Ils agissent comme ils s’imaginent que de vrais gardiens agiraient. A ce moment on observe un conformisme de groupe. Certes les gardiens se soumettent à l’autorité (Phillip Zimbardo), mais ils se conforment ensemble à une norme qu’ils se sont créer. Les prisonniers quant à eux, se soumettent aux gardiens de part  cette dissymétrie de pouvoir qui s’instaure entre les deux statuts.

Pour conclure cet article, je pense qu’il intéressant de s’interroger sur ce que nous sommes réellement capable de faire ? Etes-vous sur de vraiment vous connaître ?

Cette expérience avait à la base était faite sur de simples étudiants de l’université de Stanford, il est bon de se demander si les répercussions de cette expérience n’était qu’une vaste coïncidence qui s’est mal finie, ou réellement une prédisposition à la cruauté et à la soumission que nous aurions tous en nous sans le savoir ?

« On dit qu’un homme ne se connait jamais vraiment tant qu’il n’a pas été privé de sa liberté »

Ciné Psyché

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